PARIS (AFP) - Les garçons dont la mère était une grande consommatrice de viande de boeuf traitée aux hormones pourraient connaître des problèmes de fertilité à l'âge adulte, selon la première étude scientifique jamais réalisée sur le sujet.
Les implications potentielles d'une telle étude sont énormes, non seulement pour la santé humaine, mais pour les échanges internationaux.
Les éleveurs américains utilisent en effet largement des hormones pour accélérer la croissance de leur bétail. Arguant d'un impact potentiel sur la santé humaine, l'Union (000910.KS - actualité) européenne avait banni cette pratique dès 1988.
Depuis, les deux géants du commerce international s'affrontent durement sur le sujet. L'Organisation mondiale du commerce doit rendre un jugement technique sur ce contentieux le 17 avril, selon une source européenne.
L'étude publiée mercredi dans "Human reproduction" (revue de la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie) a porté sur 387 Américains nés entre 1949 et 1983.
Les entretiens et les analyses de sperme réalisés montrent que les garçons dont la mère avait consommé du boeuf aux hormones plus de sept fois par semaine, avaient un sperme en moyenne près de 25% moins riche en spermatozoïdes que celui d'autres hommes dont les mères avaient suivi un régime moins riche en boeuf.
La probabilité que ces enfants aient un sperme d'une qualité insuffisante, selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé, est multipliée par trois. Plus la mère avait consommé du boeuf, plus la qualité du sperme de son fils s'en ressentait.
L'étude présente toutefois de nombreuses limitations: elle porte sur un échantillon restreint et le lien entre présence d'hormones dans le boeuf et la baisse de la fertilité n'est pas absolument établi.
Les données "suggèrent que la consommation maternelle de boeuf et, peut-être, de xénobiotiques (substances chimiques) dans le boeuf, pourrait altérer le développement des testicules de l'embryon dans l'utérus et affecter négativement sa capacité reproductrice", explique simplement l'étude.
"Quand vous perturbez les hormones en phase pré-natale, vous touchez tout une chaîne. En particulier, les oestrogènes et les androgènes affectent le développement testiculaire", a précisé l'auteur principale de l'étude, Shanna Swan, du département d'obstétrique de l'Université de Rochester.
Le rôle des hormones, déjà mis en évidence lors de tests sur les rongeurs, est "une hypothèse plausible". Mais d'autres expériences sont nécessaires, notamment une étude évaluant la fertilité des européens nés après 1988.
Nos données, a reconnu le Pr Swan, "ne sont pas assez solides pour entraîner une modification de la réglementation ou pour donner lieu à des actions en matière de santé publique, mais elles sont assez solides, je pense, pour dire qu'il nous faut mener des études complémentaires".
"Avec les données sur l'animal que nous avons déjà, il y a matière à s'inquiéter. Je ne pense pas que nous puissions dire que ces produits sont sans risque", a-t-elle ajouté.
La fédération américaine des exportateurs de viande a aussitôt critiqué la méthodologie, soulignant qu'elle ne distinguait pas les femmes ayant pris des hormones à des fins thérapeutiques.
Aux Etats-Unis, la première hormone de synthèse, le diéthylstilbestrol (DES, plus connus sous le nom de Distilbène en France), a été prescrite de 1947 à 1971 aux femmes enceintes pour éviter les fausses couches, avant son interdiction en raison des dégâts dans le système reproductif. Elle a été utilisée jusqu'en 1979 pour le bétail.
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