(Le Monde du 17 aout 2007)
L'usage des agrocarburants ne permettra pas systématiquement de limiter
les émissions de gaz à effet de serre, et il serait plus efficace de
conserver les milieux naturels en bon état : telle est la conclusion
d'une étude parue dans la revue Science, vendredi 17 août, et
cosignée par Renton Righelato, du World Land Trust, une organisation de
conservation des écosystèmes, et Dominick Spracklen, de l'université de
Leeds (Grande-Bretagne).
Le bilan
écologique des agrocarburants est souvent critiqué sur la base de la
comparaison entre l'énergie dépensée pour les produire et celle qu'ils
fournissent. Le solde est généralement assez médiocre, voire négatif.
Mais
la démarche de Renton Righelato et de Dominick Spracklen est plus
originale : ils ont cherché à comparer les émissions de gaz carbonique
économisées par les cultures d'agrocarburants et celles évitées par
d'autres usages du sol. En collationnant nombre d'études, ils ont
confronté les bilans des usages du sol : canne à sucre, blé, maïs ou
betterave destinés à la production d'éthanol ou de diesel, conversion
de forêts tropicales en cultures, conversion de cultures en forêts, etc.
Par
exemple, la culture du blé pour faire de l'éthanol permet d'éviter, par
la substitution au pétrole, entre 0,2 et 0,6 tonne de gaz carbonique
par hectare et par an. Mais la conversion, aux Etats-Unis, de cultures
en forêts de pins permet (par la croissance des arbres) d'économiser
3,2 tonnes de gaz carbonique par hectare et par an. Mieux vaudrait donc
faire pousser des arbres que cultiver des céréales destinées à faire
rouler des automobiles.
La canne à sucre a le meilleur rendement
des agrocarburants existants : près de 2 t/ha d'émissions évitées. Mais
c'est beaucoup moins que ce que permettrait d'économiser la
transformation de cultures en forêt tropicale (entre 4 et 8 t/ha), et
désastreux si la canne à sucre se développe par la déforestation (qui
"coûte" près de 200 t/ha par an d'émissions).
Au total, constatent les chercheurs, si les responsables politiques veulent privilégier le bilan écologique, "ils
seraient mieux avisés de se concentrer sur l'amélioration de
l'efficacité énergétique des combustibles fossiles, de conserver les
forêts et les savanes, et de restaurer les forêts naturelles et les
prairies sur celles des terres qui ne sont pas nécessaires pour
l'alimentation".
Cette démarche présenterait de surcroît des avantages en matière de biodiversité et de santé des écosystèmes.