BRUXELLES (Reuters) - La place à réserver aux énergies renouvelables et au nucléaire divise l'Union européenne, particulièrement la France et l'Allemagne, à quelques jours d'un sommet qui devra trancher sur ce dossier.
Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ne sont pas parvenus à aplanir leurs divergences sur ces deux points même s'ils sont d'accord sur les grandes lignes d'une stratégie de lutte contre le réchauffement climatique.
"Aucune percée n'était possible", a déclaré le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, dont le pays assume la présidence de l'Union, tout en assurant qu'il y aurait "une décision" au Conseil européen de jeudi et vendredi.
Les gouvernements de l'Union européenne sont facilement parvenus à un compromis ces dernières semaines sur quelques grands principes qui seront entérinés lors de cette réunion.
Ils se sont fixé pour objectif de réduire de 20% au moins en 2020 par rapport à son niveau de 1990 la production de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.
Il s'agit, peut-on lire dans le projet de conclusions, d'un "engagement indépendant ferme": en clair, les Européens sont prêts à aller jusqu'à une réduction de 30% si les autres grands pays industrialisés les suivent, mais ils parviendront quoi qu'il arrive à une réduction de 20% des émissions de CO2.
L'Union européenne rendra également obligatoire à cet horizon l'incorporation d'au moins 10% de biocarburants dans les carburants utilisés par les voitures automobiles.
L'ALLEMAGNE POUSSE
Mais l'un des principaux points de contentieux reste la détermination de la présidence allemande de l'Union européenne à fixer un objectif contraignant de 20% d'énergies renouvelables - solaire, éolien ou biomasse - à atteindre d'ici 2020.
"Il s'agit de mettre l'accent sur les énergies renouvelables", a expliqué Steinmeier lors d'une conférence de presse en souhaitant que "l'ambition soit le maître mot".
La chancelière Angela Merkel s'est personnellement impliquée dans la négociation et entend obtenir gain de cause.
Elle a d'ailleurs arraché la semaine dernière l'appui des Britanniques, qui refusaient jusqu'à présent de s'engager de manière ferme mais qui ont changé d'avis au nom de la crédibilité de la lutte contre le réchauffement, et plusieurs pays, dont la Suède, le Danemark et l'Italie, ont suivi.
"L'Europe doit devenir plus verte et de manière crédible", a ainsi estimé la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Ursula Plassnik. "L'échantillonnage et la fixation d'objectifs et d'ambitions explicites sont donc des instruments raisonnables."
Mais la France, alliée aux pays de l'Est, se cabre.
"Nous ne sommes pas favorables à un objectif contraignant qui ne concernerait que les énergies renouvelables", a souligné la ministre française aux Affaires européennes, Catherine Colonna, lors d'une conférence de presse.
CONTRE-FEU NUCLÉAIRE
La France mise beaucoup sur le retour en grâce du nucléaire, qui produit l'essentiel de son électricité et ne dégage pratiquement pas de CO2, alors que l'Allemagne a décidé une sortie progressive de la filière atomique, ce qui explique son insistance sur des niveaux élevés d'énergies renouvelables.
Paris pourrait toutefois accepter un objectif contraignant sur les énergies renouvelables, mais uniquement à condition qu'il fasse partie d'un objectif global pour les "énergies non carbonées", dont le nucléaire, a expliqué Colonna: "La priorité (...), c'est bien la lutte contre le réchauffement climatique."
Mais cette proposition apparaît comme un contre-feu, puisque la France sait que de nombreux pays ne peuvent accepter que l'on cite le nucléaire dans la catégorie des énergies "propres".
L'affaire est tellement stratégique pour la France que les diplomates ne voient pas Jacques Chirac céder sur ce point. "Les Français ne modifieront pas leur politique énergétique pour faire plaisir à Merkel", souligne l'un d'eux.
Un compromis tenant compte de la position de la France et des pays de l'Est devrait toutefois être trouvé.
Un objectif souhaitable de 20% d'énergies renouvelables serait fixé au niveau européen, mais certains Etats pourront faire plus et d'autres moins en fonction de leur potentiel.
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