Publié dans LeMonde.fr
Pendant des années, des milliers de jeunes chercheurs ont été employés dans les laboratoires publics français via des modalités que l'Urssaf a fini par assimiler à du "travail non déclaré". Au 1er janvier 2007, selon une circulaire ministérielle, ces postdoctorants, rémunérés par voie de "libéralités" par des associations caritatives ou des fondations, auraient dû voir leur emploi reconverti en contrat à durée déterminée (CDD). Le ministère estime qu'ils sont pourtant encore "environ un millier" à être rémunérés hors la loi.
Bien qu'exerçant dans des universités ou des organismes de recherche publics (CNRS, INRA, Inserm, etc.), ces chercheurs non titulaires sont rétribués par le biais de bourses. Ce type d'emploi ne donne lieu à aucune cotisation et n'assure aucune protection sociale.
Les laboratoires et les mécènes se trouvent dans une situation délicate : le maintien des libéralités est illégal, mais leur conversion en CDD s'accompagne d'un important surcoût lié aux charges. "Faute d'avoir anticipé budgétairement la transformation de leurs libéralités en contrats de travail, affirme la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) dans un communiqué du 26 février, certaines (associations caritatives) n'ont pas hésité à interrompre des versements et à annoncer la diminution des rémunérations."
Certains mécènes ont anticipé le surcoût lié à ce changement de statut en débloquant une enveloppe budgétaire exceptionnelle ou en réduisant le nombre de chercheurs subventionnés pour 2007. L'Association pour la recherche contre le cancer (ARC) a ainsi augmenté de 3,9 millions d'euros son budget 2007 pour faire face.
VERSEMENTS INTERROMPUS
Dans d'autres cas, la situation est plus problématique. Emeline Assémat, 28 ans, postdoctorante à l'Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy, percevait par exemple une libéralité de 1 500 euros par mois, versée par la Ligue nationale contre le cancer. Ces versements ont été interrompus le 1er janvier, alors que des négociations étaient en cours entre les laboratoires, les financeurs et l'Etat, pour savoir qui assumerait la surcharge financière. Au ministère de la recherche, on précise que l'Etat a déjà consenti un effort important depuis 2004, en prenant en charge tout ou partie du surcoût lié à la conversion en CDD des doctorants payés par libéralités. Ce dispositif est prévu jusqu'en 2008. Sa reconduite devra être discutée.
Mais l'Etat n'entend pas procéder de la sorte avec les postdoctorants. Les associations financeront moins de chercheurs, dit-on en substance Rue Descartes, mais la possibilité de recruter des contractuels, notamment via la nouvelle Agence nationale de la recherche (ANR), compensera ce manque. Pour Serge Braun, directeur scientifique de l'Association française contre les myopathies (AFM), cela induira des changements profonds dans le paysage scientifique. "Nous finançons des projets liés aux maladies rares, ce qui n'est pas au centre des préoccupations de l'ANR", note-t-il.
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